Critique

ANALYSE CRITIQUE

Par Pablo Zambrano Carballo

Séville, le 28 octobre 2024.

Me voilà, sur une terrasse, au soleil, en train de prendre mon petit déjeuner et, au deuxième café, je m’apprête surtout à remercier l’autrice de m’avoir confié la lecture de son livre. J’écris donc ces mots sous l’impact direct que ce livre a eu sur moi. Je ne peux m’empêcher de dire combien cette lecture a été pour moi cathartique et libératrice, une expérience artistique qui m’a comblé. Il y a beaucoup, énormément de choses que j’aime dedans, dans cette écriture, et il n’y a vraiment rien que je n’aime pas ou qui me dérange.

Tout d’abord, et probablement en raison de ma connaissance limitée du français en tant que locuteur et lecteur non natif, j’ai été fasciné par le style : une langue fluide, riche et très poétique. Peut-être en raison d’une déformation professionnelle, j’apprécie grandement la construction linguistique qu’implique de faire un livre de création, et j’ai vraiment aimé la syntaxe de celui-ci. Il m’est difficile de l’expliquer, mais c’est comme si cette écriture m’avait pris par la main, comme dans un bateau ivre, à travers un territoire exotique, inconnu, instable et fascinant. C’est un style, à bien des moments, très sensuel et sexuel, et qui m’attire beaucoup. L’autrice a très bien géré, et ce n’est pas facile du tout, les nombreux moments de sensualité et de sexualité. Il y a beaucoup de nudité dans le livre, nudité du corps et de l’âme. Le traitement artistique de tout cela n’est pas une tâche facile et elle s’en sort triomphante. Je pense maintenant, de mémoire, à des mots comme « bonbons au divin parfum » qui m’ont relié aux « émissions de baume divin » du « Cantique spirituel » de Saint-Jean de la Croix. Ou à cette connexion réussie de « verge » et « vierge ». Tout cela est très sensuel et, comme je le dis, poétique, dans un sens non péjoratif, parce que son langage littéraire, tout en étant poétique, n’est, à aucun moment, ni mièvre ni pompeux. À la fois poétique et suggestif, il est puissant et sec, comme un coup de poing qui assomme. Bref, subjuguant.

Un autre aspect qui m’a fasciné est le dialogue établi avec les œuvres auxquelles chaque jour fait référence, œuvres toutes admirables. Cette connexion, essentielle pour le livre, est très réussie. J’admire les nombreuses ekphrasis grâce auxquels ce lien entre le texte et la peinture est plus évident. Le texte le dit : « je suis écrivain et myope, j’use de mon ordinateur comme d’autres amis de leurs palettes… ». J’ai également beaucoup aimé tout ce qui concerne la réflexion méta-littéraire, la réflexion sur le processus d’écriture et de création, qui est dans le livre.

Techniquement, je suis toujours attiré par les œuvres hybrides et je pense que ce livre en est une. Je vois l’hybridité non seulement dans cette relation évidente avec les œuvres auxquelles il se réfère, mais aussi dans le mélange de narration et de poésie, de traits et techniques qui proviennent de différents genres : du roman, mais aussi de genres comme le journal intime, les mémoires, les cahiers, l’autobiographie (j’ignore dans quelle mesure la personne de Leïla G. Voight est représente dans le texte, je fais vraiment partie de ceux qui pensent que cela n’a pas d’importance pour le lecteur). Cette hybridité fait du texte un kaléidoscope très attractif et envoûtant.

Sur le plan thématique, le contexte de la pandémie m’a fait relier le livre à un certain type d’écriture apocalyptique et dystopique que j’affectionne beaucoup (il y a mille ans j’ai écrit un article sur « Les vertus de l’oiseau solitaire », de Juan Goytisolo, un roman aux traits dystopiques et apocalyptiques dans un contexte de pandémie). L’autrice dépeint très bien l’enfermement physique et mental auquel nous avons été soumis. L’incertitude et l’oppression, l’importance inhabituelle, presque du jour au lendemain et déjà irréversible, qu’ont acquis Internet, les réseaux sociaux et la cybercommunication. Et, dans ce monde dystopique, en tant que lecteur, je reçois le message selon lequel l’art en général et l’écriture en particulier peuvent être une forme unique de rébellion, de salut, de vie. Ce que j’ai lu, ce livre, je le perçois comme une ode d’amour à l’art, à la beauté, au salut, au milieu de l’horreur.

Et, à ce stade, je dois recourir à une métaphore très espagnole, porcine et graphiquement réaliste ! Dans ce livre, comme dans le cochon, j’aime tout. Du titre jusqu’aux remerciements finaux, que j’ai trouvé originaux et beaux.

Ces mots, écrits à l’instant, me sont venus presque comme s’ils sortaient d’un « courant de conscience ». Et, j’espère que leur désordre n’empêchera pas les lecteurs d’apprécier la fascination que suscite ce que j’ai lu. Ce sont les premières réflexions qui me viennent à l’esprit. Je suis sûr que d’autres me viendront encore.

Dr. Pablo Zambrano Carballo

Catedrático de Teoría de la Literatura y Literatura Comparada.

Universidad de Huelva

España